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Ravins : récit
la Rumeur libre éditions, Collection La bibliothèque Septembre 2013
ISBN 978-2-35577-054-8
219p. ; 20 x 15 cm, 20EUR

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Présentation

Quand le langage est déserté par le dieu, nous sommes la proie de la morsure forcenée du non-mot, un insensé qui nous dévore le corps depuis l’intérieur de la voix. Il n’existe pas de pire inégalité que celle des êtres devant cette souffrance. Patrick Laupin explore cette présence du non-mot, dans ces Ravins, qui sont ceux de l’expérience de son langage, abîmes où il nous retient, au fond desquels toute la poésie est là, non écrite. L’effroi qui repousse le langage dévale par tous les pores du paysage où l’enfant n’a de refuge que dans l’épicentre clair et apaisant de l’oeil du cyclone, pendant qu’il répand l’intonation de la mort dans le plus infime soupçon d’inspiration. Comment être capable de rester seul avec cette chose et avoir le courage de l’écrire ?

L’enfant débarque dans ce continent immergé du non-mot, où tous les chemins conduisent à l’égarement et où il apprend à lire dans la vaste existence du mot maman. Mais les mots veulent qu’on ne renie pas leur vie secrète, qu’on recrée du rythme. Un mur invisible sépare ce que l’on sent de ce que l’on rêve, l’écriture est la folle espérance de retrouvailles, une personne dans le corps invisible des émotions. De l’amour fou de maman qui constitue l’ombilic du livre, il ne sortira que par un désir insensé de retour et par une ultime rencontre privée d’étreinte qui fait du rêve une réalité, où l’émotion se transmet sans obstacle. Il faut alors le pacte de l’expérience poétique entre la voix de l’enfant et l’écriture pour concilier le rêve et la réalité en vue de l’élan nécessaire, en ignorant à jamais s’il faut devenir le ravin du monde ou descendre accompagné de quelqu’un.

Quiconque écoute tient en vie son prochain. Mais ce gravir est comme précédé d’un ciel de toutes les douleurs à l’envers.

Un Livre a nom sans bruit, il a pitié du très seul, il se tient dans la droiture de son événement, son silence contient autant de vertige qu’un brin d’herbe au matin.

Ravins est à Patrick Laupin ce que les Visages et les Voix (première édition 1991) est aux mineurs des Cévennes, le Courage des oiseaux (première édition 1998) aux enfants en échec scolaire, l’Homme Imprononçable (2007) à ceux-là rencontrés «pourvoyeurs d’abîme» et autres compagnons du silence.

Andrea Iacovella

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