Présentation
Ouessant.
Accoudé à l’embarcadère, un homme scrute la ligne d’horizon.
Dans quelques instants, le ferry va se dessiner dans le lointain et lui apporter ses quatre amis. Le premier est comme son frère, mais il n’a pas revu les trois autres depuis quarante ans.
Le vent fouette son visage ; les mouettes crient ; le jour décline.
Lours’ est-il toujours une force de la nature ? Luce est-elle toujours aussi folle ? Mara ressemble-t-elle encore à celle qui l’avait ensorcelé, autrefois ?
Et lui-même, comment sera-t-il à leurs yeux ?
«[…] j’avais comme lui, à force de ruse et de mensonges, échappé jusque-là à tous les banquets de la classe, l’équivalent pour moi d’une parade des monstres, et je comptais bien mourir sans en avoir célébré aucun. Retrouver tous les dix ans les mêmes personnes chaque fois plus enlaidies de bedaines, de calvities, de taches, de rougeurs, de pâleurs, de mollesses, équipées de lunettes, d’appareils auditifs, et qui vous renvoient à votre propre décrépitude, non merci.
Nous deux, je voulais dire Jean et moi, étions restés des types tout à fait épatants, jeunes d’esprit, drôles, mais les trois autres pouvaient très bien avoir mal tourné. Il a ri et m’a rétorqué que Lours’ était devenu kinésithérapeute et Luce documentariste, ce qui inspirait plutôt confiance, non ? Je n’ai pas compris son raisonnement. Est-ce qu’être kiné ou documentariste était une garantie de qualité humaine ? Il a dit que les gens ne changeaient pas comme ça, et comme je restais sceptique, il a usé de sa botte secrète : – Revoir Mara ne te ferait pas plaisir ?»