Présentation
Guy de Malherbe
Guy de Malherbe peint des paysages verticaux. Des paysages dépourvus de ciel, la plupart du temps, qui, du fait de cette absence, semblent comme dressés le long de la paroi du tableau. C’est vrai des falaises, ça l’est aussi des sols. Cette façon de faire, qui contrevient à la tradition du paysage, induit un nouveau mode de relation à la peinture. Là où il est d’usage qu’un paysage soit un tableau privilégiant l’horizontalité – un tiers de terre, deux tiers de ciel – afin que le spectateur, dans sa verticalité d’homme, éprouve un sentiment de domination du monde qu’il parcourt et contemple, Malherbe nous emmène ailleurs : au pied du monde, avec lui. Ça n’est pas qu’une affaire d’inversion d’un rapport, et de spectateur soudain dominé. De cela, l’artiste n’a que faire, cherchant non à nous donner la sensation que c’est le monde qui nous possède, mais, par un abandon de souveraineté, à ouvrir notre regard à une autre forme d’exploration. C’est le surplomb qui est mis à mal ici, c’est la distance entre la chose observée et celui qui la regarde qui est abolie. Le peintre nous colle littéralement le nez dans ce qu’il peint, et dans ce qu’il met en jeu pour le peindre. Afin de nous aveugler ? Je ne crois pas. Ou alors pour un temps, comme un passage nécessaire au désapprentissage du privilège accordé à un oeil désincarné. Car ici on voit, mais l’organe qui voit est le corps tout entier. Un corps pour qui voir, c’est tout autant éprouver que visualiser, décrire que fouiller, comme ces animaux fouisseurs qui découvrent le monde en l’ingérant, strate par strate.