Présentation
À sa mort, impromptue, Alejandra Pizarnik laisse une oeuvre immense qui dépasse considérablement celle déjà publiée. Elle laisse beaucoup d’inédits – textes et recueils de textes rangés soigneusement dans des dossiers en vue d’une publication. Ils sont rassemblés dans ce second tome de ses oeuvres : Textes d’Ombre, son dernier titre, celui du livre sur lequel elle travaillait au moment de sa mort, composé de textes écrits entre 1970 et 1972 ; Cahier jaune, un recueil de proses, datées de 1961 à 1971 ; Les perturbés dans les lilas, son unique pièce de théâtre, écrite à l’été 1969 ; Approximations, tous les poèmes mis de côté au fil des années, entre 1956 et 1972 ; La terre la plus étrangère, une exception ici – son tout premier livre, publié en 1955, qui nous permet de relire du début toute l’oeuvre de « la plus grande des poètes » autrement.
A. P. – Quand je termine un poème, je ne l’ai pas terminé. En réalité, je l’abandonne, et le poème n’est déjà plus à moi ou, plus exactement, le poème existe à peine. À partir de ce moment, le triangle idéal dépend du destinataire ou lecteur. Seul le lecteur peut terminer le poème inachevé, sauver ses sens multiples, lui en ajouter de nouveaux. « Terminer » revient, ici, à donner vie à nouveau, à re-créer. Quand j’écris, jamais je n’évoque un lecteur. Je n’ai pas davantage l’idée de penser au destin de ce que je suis en train d’écrire. Jamais je n’ai cherché le lecteur, ni avant, ni pendant, ni après le poème. C’est pour cela, je crois, que j’ai fait des rencontres imprévues avec de vrais lecteurs inattendus, ceux qui m’ont donné la joie, l’émotion de me savoir comprise en profondeur. À quoi j’ajoute une phrase idoine de Gaston Bachelard : « Le poète doit créer son lecteur et en aucune manière exprimer des idées communes. »