Présentation
La honte
Réflexions sur la littérature
La honte : émotion particulièrement inavouable, à la fois historique et singulière, intime et collective, plus que toute autre, peut-être, extensive, expansive, contagieuse et susceptible de traverser tous les individus sans distinction.
La honte, c’est aussi un des grands ressorts de la littérature. Nous pouvons en effet nous sentir solidaires de quiconque fait l’aveu de sa honte, et singulièrement de celui qui l’écrit, parce que, ayant partie liée avec notre expérience commune, il est celui qui nous dit « honteux lecteur, mon semblable, mon frère ».
Plongeant dans les gouffres de la déconsidération de soi, la littérature ose briser avec fracas le « silence sacré de la honte ». Relisant de grands textes (Rousseau, Dostoïevski, Kafka, Leiris, Gombrowicz, Duras, Philip Roth, Rushdie, Coetzee…), Jean-Pierre Martin déploie les multiples formes de la honte – intime, sociale, historique, politique – en particulier au coeur du récit des survivants (Levi, Antelme, Semprun, Seel…), dans la trame du roman des origines (Memmi, Camus, Cohen, Nizan…), à la source du geste même de l’écriture (Gombrowicz).
Ces fragments de discours honteux que tient la littérature, mieux que toute théorie, restituent au plus près l’incessante transformation d’un sujet en un objet.