Présentation
«… Livre ouvert, où tout peut entrer » ce sont les mots par lesquels Jacques Ancet présente L’Incessant, première séquence de prose lyrique ouvrant le cycle plus ample encore qu’est l‘Obéissance au vent.
D’entrée, « des voix mêlées entretissées » emmènent leur lecteur « où dedans et dehors ne sont qu’un seul instant », quand bien même ne demeureraient seuls que « le fil cassé des phrases », « les mots (…) inaccessibles », « toutes ces choses penchées glissant en un éboulement sans fin ».
Un devenir, oui, assurément, et où tout s’écoule, et les reflets qui s’élèvent depuis une vitre sur le fond obscur des jours montrent alors des corps, leur visage, une main à son lent travail d’oeuvrer.
D’autres figures convoquées, la table, la lampe, le corps amoureux sont elles-aussi à leur interminable nuit, et leur silence est ce qui seul permet un naître, un dire, même si la main hésite sur la page, sur la toile, même si le geste se gauchit et manque ce qui, en définitive, seul le légitime, et fait énigme de toujours : « comment vivre le présent ». À ce point précis, la voix alors dénombre et énumère les bruits, les objets, les pas, les rues, les traces. Pour ne pas se perdre à son propre vertige, elle emporte cette mémoire.
Et c’est bien ce rythme qui traverse un monde d’« assourdissant silence », aidé en cela par quelques figures tutélaires (la fin du volume les nomme sobrement), elles qui incarnèrent toutes à leur mesure, un « corps ouvert aux forces invisibles » et partant, lui aussi inachevé, « emporté malgré lui par une page ouverte, interminable elle aussi », au silence de son propre voyage.
Jean-Yves Fick