Présentation
Le nom Zwgraphia est un composé de mots de grec ancien qui désigne les gestes de peindre et/ou d’écrire le vivant. La collection se donne pour but de constituer un lieu de partage d’une même ferveur pour la fécondité du tracé dans les déroulements de la voix et du regard. La rencontre entre un texte et une oeuvre visuelle pour établir une continuité inspirée de la lettre et de la ligne, l’harmonie d’une présence et d’une écoute de parole. Le livre y est proposé comme un corps de vision qui demande à être éprouvé, le rapport de la lettre et de l’art pour écrire et penser ensemble nos différences.
Igor et Pélagie se retrouvent après de longues années. Elle a été pensionnaire d’une maison close, la voilà mère-maquerelle à la retraite. Lui, de ses grâces passées, a gardé une allure princière et le mystère qui fit son charme. Tous deux bercent leur nostalgie d’une époque enfuie. Parce qu’elle l’a beaucoup aimé, parce qu’elle l’aime encore, elle va consentir à sa folie et l’aider dans son extravagant projet : un cirque sensuel où les artistes érigeront l’impudeur au rang des exercices les plus nobles. Pour cela, il faut de la rigueur, de la souplesse, de l’audace, de la ferveur.
Les entraînements ne manqueront ni de piquant, ni de surprises, chacun se prenant au jeu et repoussant avec passion les limites physiques aussi bien que morales. Travail des corps, récompense de la chair.
Quand la douleur devient volupté, une alchimie étrange se produit, qui s’apparente au divin.
Peut-être Igor et Pélagie, entourés de leur troupe, trouveront-ils, au-delà de leur âge, la vraie jeunesse, celle du désir éternel et du plaisir sans tabous.
Les traits d’union entre les deux auteurs de ce livre sont nombreux, mais parmi les plus évidents il faut citer une carrière d’enseignante, arts appliqués pour l’une, lettres pour l’autre, et le besoin obsessionnel d’une expression artistique.
Suzanne Bazin a exploré les multiples voies de la représentation, gorgée d’images et de sensations : elle a été actrice, maquilleuse au théâtre, mais aussi, et elle l’est toujours, peintre et dessinatrice. D’après la critique, «elle saisit le monde réel et le monde rêvé dans une transparence pleine d’énergie, ses personnages se tendent dans une interrogation inquiète, prêts à bondir vers un objet qui se dérobe à nos regards. Il y va du secret, du plaisir de la vie.»
Françoise Rey est entrée en littérature avec un livre souvent qualifié de «sulfureux», mais qui devait devenir une référence en matière de littérature érotique, la Femme de Papier. Depuis ce premier ouvrage, elle a essentiellement consacré sa plume à l’écriture du désir, de la chair, de ses jouissances et douleurs et de leurs résonances affectives et psychologiques. Pour elle, sexualité rime avec humanité, élan vital, clef de voûte de la construction intime.
Lorsque la dessinatrice a proposé à l’écrivain de réagir sur certains de ses monotypes, la seconde a d’emblée adhéré à ce projet d’une création à quatre mains, deux coeurs et deux têtes, où les rêves et fantasmes de l’une viendraient inspirer ceux de l’autre, où l’interprétation de celle-ci étonnerait celle-là, qui continuerait imperturbablement sur une lancée personnelle volontiers violente et assez sombre. À l’univers torturé de Suzanne Bazin, à ses visions échevelées, erratiques, à ce surgissement libre de tout itinéraire, Françoise Rey répondrait par un scénario cousu, cohérent mais loufoque et par des dialogues fantaisistes, à la tragédie des corps en quête de limites s’opposerait l’humour des situations, et ainsi naîtrait une oeuvre nourrie des richesses de chacune.
D’épistolaires et téléphoniques, leurs contacts sont très vite devenus plus tangibles et profonds, puisque au fur et à mesure que se tricotaient les mailles de l’ouvrage commun, une vraie rencontre a eu lieu, et une amitié s’est forgée.
Le Cirque d’Éros est le fruit des subtiles correspondances qui peuvent unir deux femmes artistes apparemment très différentes, que rien ne disposait à se connaître, mais que tout rapprochait cependant. Au fil de l’élaboration de ce livre, le bonheur éprouvé par chacun de ses auteurs à susciter la surprise et l’admiration de l’autre fut un principe de dynamique et un ferment magnifique.