Présentation
Comment lire Rousseau ? La réponse à une telle question exige que l’on passe outre à certaines pudeurs, en tout cas que l’on rompre certains silence qui arrangent assurément tout le monde mais qui font offense à la vérité.
Rousseau lui-même tient à nous faire savoir qu’il se risque en terrain scabreux. Il forme, dit-il, une entreprise « qui n’eut jamais d’exemple ». Non qu’avant lui personne ne se soit raconté. Mais personne n’avait osé dévoiler cet irracontable que chacun pourtant héberge en soi, noyau de notre « je » en même temps que clé du « moi universel ». À cet égard, sa tentative entend instaurer un nouveau type de rapport humain, débarrassé de la pesanteur de la norme, exclusivement fondé sur la confession de la singularité. Confession surtout d’une solitude qu’il devient enfin possible d’assumer, dans la mesure où elle se révèle comme le seul point de rencontre authentique avec autrui.
Georges-Arthur Goldschmidt nous livre ici une nouvelle édition révisée de sa lecture de Rousseau, initialement publiée en 1978 – premier jalon d’un parcours critique qui l’a mené de Molière à Freud puis à Kafka, et dernièrement dans les pas du héros de Karl Philipp Moritz (En fond de vie : Anton Reiser, Cécile Defaut, 2011). Plus de trente années de lectures, de traductions et de récits, d’Un corps dérisoire (récemment réédité aux PUL) à L’Esprit de retour (Le Seuil, 2011), et autant de voies pour « écrire sa vie », comme le souligne Lionel Bourg dans sa préface : « On ne l’ignore pas, l’oeuvre de Goldschmidt s’inscrit dans le registre incassable que Rousseau défricha. »